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Légé, qu’on supposait avoir de la rancune. Un pauvre diable, récemment exproprié à sa poursuite et qui, dans la colère, avait proféré des menaces, fut recherché vivement et promptement appréhendé au corps. Par chance, il avait un sûr alibi, étant le soir même de l’assassinat aux portes de Bergerac, où il conduisait un charroi de merrain pour un marchand de bois. Après quelques jours de geôle étroite, il fut relâché, bien à regret, par le juge d’instruction qui semblait dire : « Celui-ci faisait tout juste mon affaire ! »

Si Daniel n’eût été sous clef en ce moment, nul doute qu’il n’eût été inculpé, la haine de ceux de Légé, pour lui, faisant imaginer quelque réciprocité de sa part. À son défaut, Mériol fut interrogé ; mais, à l’heure du crime, il était à Saint-Vincent où il avait mené des cochons vendus, et buvait le vinage dans le cabaret de la Nettou.

D’autres encore, de ceux qualifiés mauvais sujets, ennemis de la religion, jacobins ou partisans de « l’Autre », furent soupçonnés par la justice, surveillés, enquêtés, mandés à Ribérac et sérieusement travaillés en de tortionnaires interrogatoires ; mais tout fut inutile : six mois après le superbe enterrement de M. de Légé en l’église de la Jemaye, l’affaire fut classée.

Le vicomte de Bretout supporta philosophiquement la perte du défunt. Quant à Minna, quoiqu’elle aimât autant qu’il était en elle ce père qui l’idolâtrait, sa nature légère et mobile ne tarda point à reprendre le dessus. Après la première explosion de douleur et quelques jours de tristesse, les visites, les lettres de condoléances et le soin de ses affaires atténuèrent peu à peu son chagrin. Bientôt le plus