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perdu, le pauvre malheureux, en disant : « Tu la remettras à Daniel… Il me fâche bien fort de mourir sans l’avoir revu… » Maintenant, mon petit, je te veux prier de ne pas te faire trop de mauvais sang. S’il ne fallait que plusieurs pintes du mien pour te tirer d’affaire, je me ferais saigner coup sec ; mais ça ne servirait de rien ! Et puis, au finale, tu as de quoi, bien assez pour répondre… Mais tu dois avoir faim, pauvre ! Allons, je m’en vais, lève-toi.

Et la bonne créature sortit, laissant son « petit » s’habiller.

Cela fait, Daniel vint à la cuisine, où il déjeuna debout d’un morceau de pain, d’un fromage de chèvre et d’un verre de vin blanc. Puis il alla sur la porte, et, abrité par l’auvent, il regarda la pluie qui tombait toujours. Au fond, la grange et l’écurie faisaient face à la maison ; à droite et à gauche, les étables, un hangar et de hauts murs enfermaient la cour au centre de laquelle était un puits préservé par une petite tourelle à toit pointu. Les brebis, enfermées depuis trois ou quatre jours, bêlaient à force et les poules vaguaient tristement sous le hangar où dormait César dans un tas de bruyère. Proche de là, Mériol, aidé du berger Jannic, grand « drôlard » de seize ou dix-sept ans, curait l’étable aux vaches. Le jeune maître embrassait d’un regard fixe tout cet ensemble en songeant à ce que lui avait appris la Grande ; il appréhendait et brûlait à la fois de connaître sa situation : il rentra.

Dans le tiroir de la grande table, Daniel trouva, en effet, un papier où était consigné tout le détail des dettes paternelles, fait par le docteur lui-même, peu avant sa mort. Le total s’élevait à un peu plus de quinze mille francs. À la suite, le défunt avait ajouté quelques lignes :