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revoyait toutes ces choses et remuait de vieux souvenirs en rêvassant, Sicarie entra doucement, et, puisqu’il était réveillé, ouvrit les contrevents, puis revint s’asseoir familièrement au bord du lit.

— Ainsi étant que tu ne dors plus, lui dit-elle sans autre préambule, mon pauvre Daniel, je te veux dire un mot des affaires de la maison, qui ne vont pas trop bien. Ton père, par sa grande bonté, s’est mis dans les dettes. S’il s’était contenté de soigner les malades pour rien, encore, à la garde de Dieu ! le bien pouvait le nourrir et entretenir ; mais il s’était donné à fournir les drogues à ceux qui étaient pauvres, c’est-à-dire à tous ceux qu’il visitait, car les quelques riches du pays n’usaient pas de lui mais des beaux messieurs de Montpaon ou de Mussidan, qu’ils supposaient plus habiles que non pas un médecin doubleau. Même des fois, comme le pain manquait dans une maison, le brave homme qu’il était, faisait porter de la mouture aux gens par le meunier du Prieur. Tout ça sans parler de quelques écus ou pistoles que les uns et les autres lui tiraient souventes fois en une pressante nécessité. Ainsi faisant pendant de longues années, ça se comprend qu’il ait mangé du sien. Au meunier il doit peut-être bien dans les cent pistoles ; par-ci, par-là, dans Mussidan, quelques centaines d’écus, et un fort compte chez le droguiste… mais la grosse dette, c’est chez le monsieur de Légé…

— Il lui doit beaucoup ?

— Quand ça irait dans les onze ou douze mille francs, ça ne m’étonnerait point, car il doit y avoir des intérêts en retard… Mais, d’ailleurs, tu trouveras dans le tiroir de ton père des papiers qui te le diront. Tiens, voici la clef qu’il me confia lorsqu’il se sentit