— Je vous les flanque à la figure !
Et, joignant l’action aux paroles, le vicomte jeta les louis au visage de Daniel. Celui-ci riposta par un maître coup de poing, qui envoya son adversaire aveuglé à quatre pas en arrière, dans les bras de ses amis accourus qui l’emmenèrent saignant et hurlant de rage.
— Ma foi, monsieur le docteur, dit le bon curé, vous avez eu de la patience ; pourtant elle vous a échappé, à la fin, et vous avez cogné un peu fort !… Mais cela est arrivé à de grands saints, ajouta-t-il avec indulgence, témoin saint Pierre, qui coupa l’oreille du nommé Malchus !
— Avec tout ça, dit M. Cherrier à Daniel, comme ils s’en retournaient, mon pauvre garçon, te voici une affaire sur les bras ! Car tu penses bien que le Bretout voudra te tirer du sang pour venger celui de son nez !
— Sans doute ! Mais comment éviter cela lorsqu’on a maille à partir avec des forcenés de ce genre ?
— Et t’es-tu battu déjà ?
— Oui, j’ai fait cette bêtise à Montpellier.
— Et comment t’en es-tu tiré ?
— Pas trop mal pour un débutant : j’ai cassé une patte à mon homme.
— Alors, je ne suis pas inquiet pour toi !
— L’essentiel, voyez-vous, monsieur Cherrier, c’est d’avoir du sang-froid… Ce qui est beaucoup plus ennuyeux que le combat lui-même, c’est les préliminaires, les négociations, les discussions des témoins, les références à leurs mandants, les pointillements sur un détail, et puis tous les dérangements que l’on est obligé de causer à ses amis, sans compter les siens propres…
— Moi, je suis à ta disposition, tu sais ! dit vivement M. Cherrier.