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homme tel que lui ! Tant qu’il la voudrait garder, elle resterait sa servante dévouée ; mais elle ne voulait pas lui porter tort en l’épousant !… »

Et Daniel souriait bénignement :

— Vois-tu, ma petite, répliquait-il, tu as toutes les qualités requises pour faire le bonheur d’un honnête homme : ainsi n’aie point de ces craintes. Il te faut bien, d’ailleurs, te décider à cela… Voudrais-tu que les gendarmes te vinssent prendre pour te mener chez ta mère, comme le dit le papier du procureur ?

— J’aimerais mieux mourir que de ne plus être près de toi !

Et elle cachait son visage dans la poitrine de son ami, qui la baisait tendrement dans les cheveux…

Cependant la Cadette, sondée par M. Cherrier qui s’était chargé de la négociation, ne se hâtait pas de consentir au mariage. C’était, de quinzaine en quinzaine, des remises successives. Elle avait besoin d’y penser, disait-elle avec son parler lent et mou. Le notaire avait beau lui remontrer les avantages de ce mariage, non pour sa fille, elle ne s’en souciait pas, mais pour elle-même, l’ « associée » de Moural, comme on l’appelait, bien enseignée par Badil, restait froide et indécise.

— Pourtant, lui disait M. Cherrier, avec un gendre comme le médecin du Désert, vous êtes sûre de ne point mourir de faim sur vos vieux jours !

— On ne sait jamais…

Pressée de questions, la Cadette finit par découvrir ce qui lui avait été suggéré par les deux coquins avec lesquels elle vivait : « Voilà… un homme tant riche qu’il fût, pouvait se ruiner et tout son bien s’en aller mangé… Alors elle voulait être sûre, avant… Qu’on lui donnât le moulin de Chantors… et elle verrait… »