Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans un nid d’hirondelles, sous le toit, et visitaient minutieusement la maison, de la cave au grenier, picorant les insectes et les barbotes engourdis par le froid. Puis il appelait Sylvia, dont la vue le réjouissait toujours, et lui donnait sa leçon journalière, lui révélant la raison d’une règle, lui exposant le pourquoi des choses, qu’elle était avide de savoir. Elle était heureuse, l’intelligente élève, lorsque, pour avoir bien saisi une explication ou montré quelque intuition particulière, elle était récompensée d’un sourire ou d’un baiser.

— Ô père ! disait-elle, une fois, tu m’as sauvé la vie, tu m’as faite femme, tu m’instruis : je te dois tout !

Au cours de ces journées paisibles, il arrivait qu’un pauvre diable grelottant sous sa limousine trouée vînt querir le docteur pour quelqu’un des siens. Lui alors chaussait ses grosses bottes et s’en allait à pied avec l’homme, malgré les récriminations de la Sicarie, qui lui disait souvent :

— Tu as bien trop de bonté de te mettre en chemin par un temps pareil, et de te donner tant de peine pour des gens qui ne t’en auront aucune reconnaissance !

— Que veux-tu, ma Grande, je ne peux pas les laisser mourir sans soins !… Admettons qu’ils ne fassent pas leur devoir ensuite : il faut d’abord que je fasse le mien.

Lorsqu’elle entendait ces réponses faites d’une voix douce et tranquille, Sylvia sentait son cœur battre plus fort, et, en aidant Daniel à endosser sa peau de bique, parfois elle lui baisait furtivement la main.

En apprenant la résolution que le docteur avait déclarée au procureur, la généreuse fille s’était fort récriée : « Elle n’était pas une femme pour un