Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/250

Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’appliquait à l’envelopper. Tout ce qui le touchait seul l’avait laissé calme et froid ; mais lui enlever Sylvia, c’était le frapper au cœur. C’est que maintenant il l’aimait profondément : sa beauté, son intelligence, ses sentiments généreux, l’amour passionné qu’elle lui portait, le superbe enfant qu’elle lui avait donné, tout cela finalement avait formé entre eux un lien désormais impossible à rompre.

Et puis, ayant vite senti qu’il serait pénible au « père », — comme elle l’appelait toujours depuis sa maternité, — d’avoir pour compagne une femme ignare, incapable de le comprendre en beaucoup de choses, elle s’était faite son écolière, et, les soirs, étudiait près de lui. L’ardent désir qu’elle avait de complaire à son ami la stimulait et lui faisait faire de rapides progrès. Depuis sa venue au Désert, elle avait appris à lire, écrire et chiffrer d’une façon satisfaisante. Mais Daniel ne s’était pas contenté de ces rudiments de savoir ; il y avait ajouté des leçons d’histoire naturelle ; — une plante rapportée de ses courses, un insecte, un caillou, devenaient l’occasion de leçons élémentaires que l’élève docile s’assimilait avidement.

Et cette fille à qui il avait redonné la vie, qu’il avait faite sienne par l’amour, dont il avait cultivé l’intelligence et les facultés, qu’il avait pour ainsi dire recréée dans son corps et son esprit, c’est elle qu’il aurait fallu rendre à une mère imbécile et vivant avec deux individus méprisables ! Ah non ! à cette idée-là, Daniel sentait tout son être se révolter.

Aussitôt il devina que celui qui menait cette intrigue s’était servi de la Cadette pour mettre la justice en mouvement : dès le lendemain, il s’en fut à Ribérac dans le dessein d’éclairer le procureur sur