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L’homme s’en alla penaud, mais le docteur fut bien étonné, un mois plus tard, de recevoir un billet du greffier de la justice de paix le convoquant à la requête de Fréjou, qui prétendait l’obliger à lui continuer l’indemnité annuelle de trente francs.

Devant le juge, l’ancien recors Badil, qui avait attrapé quelques termes de procédure en accompagnant les huissiers et les sergents de jadis, exposa l’affaire de Fréjou à sa manière, et, après une sorte d’objurgation lardée de termes juridiques souvent hasardeux, il conclut à ce que « le sieur Charbonnière » fût contraint de tenir son engagement.

— Que mon adversaire montre cet engagement ! repartit le docteur.

Fréjou avouant n’avoir pas d’engagement écrit, le juge lui demanda :

— Avez-vous des témoins ?

— Mon ami Fréjou, dit Badil, n’a pas de témoins ; il s’est fié à la promesse de son contractant.

Et il enfila une série de lieux communs sur la bonne foi dans les conventions, disant que l’honnête homme n’a qu’une parole ; qu’une promesse verbale vaut écrit pour les braves gens ; que la vérité doit passer avant l’intérêt…

— Il est aussi édifiant qu’inattendu de voir le sieur Badil faire ici un cours d’honnêteté, riposta le docteur. Mais laissons ces fadaises ! Il m’a plu de donner bénévolement, durant trois ans, une indemnité à Fréjou, parce qu’il avait desséché son étang ; il me plaît maintenant de cesser de lui payer cette indemnité : je cesse. Et, comme preuve que je ne me suis jamais engagé envers lui, ni pour toujours, ni pour un temps, voici la lettre d’un homme dont la parole vaut peut-être bien autant que celle des sieurs