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Chemin faisant, Daniel réfléchissait à ces choses. Il semblait que Pirot et Gondet eussent voulu empoisonner son troupeau et tenté de faire de Trigant leur complice. Mais cela lui paraissait si monstrueux qu’il hésitait à le croire. Et puis, qui aurait pu les pousser à cette mauvaise action ? Le cousin Légé n’était pas homme à cela, ce n’était pas son genre : il n’opérait qu’avec les apparences de la légalité et n’estimait que les affaires fructueuses. Quant à M. de Bretout, quelle que fût sa haine, Daniel ne voulait pas le supposer capable d’une action basse et criminelle pour la satisfaire.

Peut-être cette tentative n’était-elle due qu’au zèle d’un subalterne zélé, jaloux de se faire valoir auprès de son maître.

Il se pouvait aussi que Pirot eût obéi à d’autres incitations, et que son acte fût un épisode de la guerre sourde faite au docteur avec un ensemble et une continuité qui dénotaient un plan précis, une impulsion directrice. M. de Bretout haïssait ouvertement Daniel et agissait de même, mais beaucoup d’autres, moins francs et moins courageux, manœuvraient par des voies occultes ou obliques. En toute occasion, les gros bonnets du pays s’efforçaient de ridiculiser ses projets, de faire suspecter ses intentions, d’inspirer de la méfiance pour sa science médicale et du mépris pour sa personne. Sauf celui de Saint-Michel, les curés de la contrée tâchaient consciencieusement de noircir et de déconsidérer le promoteur de la régénération de la Double, qui avait le grand tort d’être un mécréant, et de race huguenote. La plupart, dans leurs prônes, faisaient, au besoin, des allusions assez claires à la situation irrégulière de Daniel, et insinuaient qu’une vie honteuse était la