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propos, le maître lui demanda s’il n’avait pas vu Pirot, ces jours-ci.

« Non, il ne l’avait pas vu. »

— Rappelle-toi bien !

— Je ne l’ai brin vu depuis plus d’un mois…

— Tu l’as vu et tu lui as parlé, jeudi dernier, dans les bruyères de Bellesise : que te voulait-il ?

Le berger résista longtemps ; mais enfin, convaincu de mensonge et fortement chapitré, il finit par avouer une partie de la vérité : Pirot lui avait dit que Gondet connaissait des herbes qui rendaient le « mouton de semence » plus vigoureux et faisaient produire aux brebis deux agneaux à la fois si on avait soin de leur en faire manger pareillement. Il n’avait point demandé de ces herbes à Gondet, mais celui-ci, passant par là une heure auparavant, lui en avait donné de la part de Pirot… Et, sommé de les montrer, il tira de son havre-sac une poignée d’herbes fraîchement coupées, que Daniel reconnut vite pour être des feuilles de belladone et de jusquiame, ces dangereuses plantes des sorcières d’autrefois.

— Ces herbes sont des poisons mortels entends-tu ! dit sévèrement le docteur au berger, qui baissa la tête et protesta n’avoir jamais eu l’intention d’en faire usage.

Ce que Trigant ne confessa pas, c’est que Pirot lui avait donné une pièce de dix sols pour lui prouver l’efficacité de la recette de Gondet, dont il avait douté d’abord.

Daniel soupçonnait bien que Trigant lui cachait quelque chose et peut-être était moins innocent qu’il ne l’assurait. Mais, ignorant le degré de culpabilité du berger, le docteur s’en tint d’abord à la résolution de le surveiller étroitement.