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les dents tourmentaient fort, tandis que devant le foyer la Grande attisait le feu sous une marmite.

— Le docteur Charbonnière y est-il ? demanda, sans saluer, M. de Bretout à Sylvia.

— Monsieur le docteur Charbonnière n’y est pas, répondit-elle en appuyant sur le mot « monsieur ».

L’époux de Minna regarda, un peu étonné, cette belle jeune femme qui lui donnait une leçon de politesse. Sylvia, nu-tête ainsi qu’à l’ordinaire, était habillée comme une campagnarde aisée, en bonnes étoffes du pays ; mais elle portait ses simples vêtements avec une grâce native que remarqua le vicomte.

— Vous êtes à son service ? lui demanda-t-il.

— Oui, je suis sa servante ! répondit fièrement l’autre en le toisant avec assurance.

— C’est la femme du monsieur, et c’est son enfant qu’elle tient ! rectifia lors, en se dressant, la Grande, que ce colloque un peu étrange commençait à fatiguer.

M. de Bretout fut surpris en voyant debout cette géante qui le regardait d’un mauvais œil. Lors, s’adressant à elle, il salua ironiquement et avec un sourire moqueur :

— Excusez ! je ne croyais point parler à madame Charbonnière !

— Parce qu’elle est habillée de cadis, n’est-ce pas ? fit la Grande sur un ton agressif. C’est que, voyez-vous, notre monsieur n’est pas de ces jean-f… qui prennent une fille pour ses écus !

M. de Bretout comprit l’allusion, et, un peu interloqué, devint, jusqu’à ses grandes oreilles, rouge comme un coq de redevance. Mais, au moment où il allait riposter par une insolence grossière, il sentit soudain le ridicule d’une semblable querelle avec