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Plusieurs fois il s’arrêta presque découragé, regardant les fers que son confrère avait déposés sur une table ; puis il se réconfortait et recommençait ses tentatives.

Enfin, le soir venu, après de longues, longues heures de douleurs terribles, alors que le vieux Gauriac épuisé s’était affaissé dans un fauteuil et que la sage-femme, seule à côté de Daniel, tenait une chandelle à la flamme vacillante, un cri déchirant, épouvantable s’ouït dans toute la maison, suivi d’un faible vagissement…

Toute la nuit, Daniel continua ses soins à l’accouchée qui eut quelques syncopes de durée inquiétante. À cheval sur une chaise, devant le foyer, il se levait au moindre mouvement, au plus léger bruit, et s’approchait du lit sur la pointe des pieds. Après avoir fait prendre un cordial à la malade ou lui avoir fait respirer des sels, il revenait à sa place lorsqu’elle était assoupie et attendait.

La nourrice avait emporté le nouveau-né sans que Minna eût manifesté cette curiosité tendre et passionnée des jeunes mères empressées tout d’abord à voir leur enfant. On eût dit que le sien lui était indifférent, car elle ne fit même pas l’habituelle question sur le sexe, qui suit immédiatement la délivrance.

M. de Légé ainsi que son gendre, congédiés par le docteur Gauriac, étaient allés se coucher. Le vieux médecin, se reposant sur son confrère, avait suivi cet exemple et ronflait dans une chambre voisine. La sage-femme, assise au coin de la cheminée sommeillait à demi, et, de temps en temps, mouchait la chandelle d’une main mal assurée. Les coudes sur le dossier de la chaise, les pieds allongés vers le feu, Daniel regardait les braises dans la cendre et réfléchissait à la bizarrerie de la situation. Lui, parent détesté dans la