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point par des paroles, oh non ! Mais, lorsqu’il rentrait, à l’heure des repas, il regardait l’enfant du coin de l’œil, avec un demi-sourire.

Ce petit et sa jeune mère mettaient de la vie et de la gaieté dans le vieux logis du Désert. Leur situation irrégulière ne scandalisait personne, ou, pour mieux dire, personne n’y songeait : ils étaient de la maison et comme de la famille. Sylvia, d’ailleurs, se comportait avec une grande modestie et un tact qu’on n’eût pas attendu d’elle, si naïve et si spontanée. Elle avait de la déférence pour Sicarie en tout ce qui était du ménage, et, à l’endroit des autres, ne se prévalait aucunement de la condition privilégiée que lui faisait l’affection du maître. Quand le docteur rentrait au logis après une journée de courses, elle lui tendait l’enfant, sur le seuil de la porte, et son beau visage s’éclairait par le commun sourire des yeux et des lèvres lorsque le père pressait l’enfançon et le baisait.

Daniel était heureux. Cependant, quoique, dans sa bonne humeur, il eût accueilli avec indulgence la farce combinée par le médecin des fièvres, il ne put s’empêcher d’être étonné en apprenant, peu après, que ce n’était pas un fait isolé, mais une pratique ordinaire de Gondet. Ce vieux fourbe se présentait chez les fiévreux traités par le docteur et leur persuadait, deux précautions valant mieux qu’une, de « faire » un de ses remèdes, dans lequel entrait toujours une messe, astucieuse prescription dont le but se devinait assez. Quand la fièvre était coupée par le quinquina, le sorcier allait partout décriant le médecin aussi bien que le remède, et se jactant d’avoir lui seul guéri le malade.

La conduite de Gondet, qui lui avait des obliga-