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ravant, d’un beau garçon vigoureux, et cette récente paternité, dont il ne faisait nul mystère, lui réjouissait le cœur. Parfois, il contemplait, tout pensif, ce petit être né de son sang, avec cette pointe d’orgueil attendri de l’homme qui est père pour la première fois. Mais, tantôt après, il se gaussait mentalement de lui-même :

« Que d’innombrables milliards d’hommes en ont fait autant ! » murmurait-il.

Pour Sylvia, elle nageait en pleine félicité. Son rêve accompli, elle était « aux anges » : c’était un bonheur non pareil, à son gré, que de porter en ses bras l’ « enfant de Daniel », d’allaiter « le drôle de Daniel », de baiser et rebaiser cent fois le « fils de Daniel », — car c’est ainsi qu’elle s’exprimait toujours, comme si elle n’eût été pour rien dans l’affaire.

— Tu ne peux pas dire qu’il ne soit tien ! faisait-elle, un jour, en montrant au docteur une petite groseille que l’enfant avait sur une épaule. Tu as la même, juste au même endroit !

Et, toujours parce qu’il était le fils de Daniel, l’enfançon était pour sa mère l’objet de soins quasiment respectueux et d’un amour idolâtre. La Grande était presque aussi folle du petit que Sylvia : elle aurait voulu l’avoir toujours sur les bras, et quelquefois le disputait comiquement à sa mère.

— Mais quoi ! disait celle-ci, tu ne peux pourtant pas le faire téter !

— Tiens ! tiens ! te le voilà, ton drôle !…

Rien n’était plus plaisant que de voir cette géante hommasse tâcher de faire faire risette au petit Samuel, ainsi nommé à cause de son bisaïeul. Le taciturne Mériol même semblait trouver réjouissante la présence du nouveau venu. Cela ne se traduisait