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plutôt d’une intention subversive que d’un esprit philanthropique. Ce qu’ils pensaient et ne disaient pas, c’est qu’il était périlleux pour la religion et pour leur crédit de laisser un huguenot, un mécréant, acquérir une influence sur leurs ouailles, les paysans de la Double, par ces moyens démagogiques.

Pendant toutes ces confabulations malveillantes, Daniel continuait ce qu’un prêtre plus carré que ses confrères avait appelé « un apostolat de Satan ». Il soignait gratis les pauvres diables, donnait du quinquina, pratiquait l’inoculation et faisait de la propagande pour l’assainissement. Il avait bien opéré quelques rares conversions, mais c’était des conversions de gratitude plutôt que de conviction. Ces adhésions au système n’avaient d’ailleurs aucun effet réel, comme étant de pauvres gens qui ne possédaient pas un pouce de terre et, par conséquent, pas d’étangs à dessécher, — particularité d’ailleurs propre à expliquer leur approbation. Toutefois le docteur avait obtenu un petit succès. Le desséchement de l’étang de Fréjou, fait sous sa surveillance et d’après ses indications, produisait déjà ses résultats. L’homme et la femme étaient guéris et leur drôlette n’avait plus que de rares accès de fièvre… Il est vrai que Fréjou attribuait cette amélioration notable non au desséchement et au quinquina, mais à un remède de Gondet renforcé d’une messe prescrite aussi par le sorcier.

Daniel sourit lorsqu’un journalier du Périer, qu’il employait souvent, lui raconta la chose.

— Que ce soit Gondet ou moi, l’essentiel c’est qu’ils soient guéris ! conclut-il.

C’est que, pour aider à sa débonnaireté de nature, un événement le disposait encore à l’indulgence. Sylvia était heureusement accouchée, un mois aupa-