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— Ça te fera du bien, mon petit !

Ensuite elle servit un poulet aux champignons, qui mijotait dans une petite tourtière devant le feu : et, cela fait, elle s’assit à la droite de son « drôle », comme elle disait souvent, lui étant au bout haut de la table, et Mériol à sa gauche.

— Il sent bon, ton fricot, lui dit Daniel.

— Tant mieux que tu le trouves ! répondit-elle, en s’offrant de la soupe.

Daniel attendit qu’elle eût mangé, et pendant ce temps-là, il éprouvait une loyale sensation de bien-être. Après des heures passées sous la pluie froide, dans la nuit, par des chemins perdus, il était maintenant chez lui, bien à l’abri, dans cette cuisine aux vieux meubles connus dès l’enfance, et assis devant une table égayée par le calel de cuivre à trois becs qui pendait de la maîtresse poutre. La touaille de solide toile de maison était blanche « comme des fleurs », ainsi qu’on dit au pays ; les assiettes d’étain reluisaient ; les gobelets de verre brillaient, et le saladier de faïence fleuri réjouissait la vue. La tourte enfarinée qu’entamait Mériol après avoir fait une croix sur la sole était de bon pain bis de ménage, moitié froment, moitié seigle ; le petit vin clairet des vignes du Désert pétillait pur et agréable de goût ; le poulet fumait appétissant dans son plat ; et, par-dessus tout cela, Daniel sentait à ses côtés deux êtres qui se seraient jetés au feu pour lui.

— Tiens, sers-toi, mon Daniel ! lui dit la Grande, en lui présentant le poulet découpé.

Ils causaient tous les deux en mangeant ; elle lui contait les petits événements survenus dans la maison, et quelques nouvelles du voisinage, rares celles-ci, car elle ne quittait jamais le Désert. Le contact