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raison qu’elle avait faite de sa personne avec la guidalbre dénotait même un esprit capable de saisir certains rapports délicats et la poésie des choses. Aussi, en méditant là-dessus, Daniel se disait qu’il serait facile de remédier à l’ignorance de Sylvia et de développer ses dons naturels.

Et ne le devait-il pas ? En faisant sienne cette jeune fille qui avait suivi ingénument l’impulsion de son cœur et de ses sens, il avait accepté non seulement une responsabilité matérielle, mais une responsabilité morale : sa conscience droite l’affirmait énergiquement.

Sans doute, ce ne serait pas une union selon le monde et la société ; mais lui-même était-il autre chose qu’un paysan instruit, de goûts simples et rustiques ? Et puis, que lui importaient les convenances sociales et mondaines ? Sylvia, quelque peu instruite, à son tour, et formée par lui, serait justement la femme qu’il lui fallait, une ménagère, une compagne dévouée, parfaitement étrangère aux préjugés frivoles, aux préoccupations vaniteuses, aux idées mesquines que la plupart des jeunes filles de la bourgeoisie apportent avec leur dot dans la maison de leur mari.

Et, tout bien examiné, Daniel se décidait sans effort à écarter toutes les considérations de fortune et de caste pour suivre les lois de la bonne vieille nature qui ne se soucie point de l’argent et ne connaît pas les distinctions de rang créées par l’orgueil humain. Même, lui qui avait fui sa cousine riche, il s’estimait heureux de faire un sort meilleur, quoique modeste, à cette petite Sylvia qu’il avait rendue mère.

Il se disait tout cela en allant à Chantors installer le meunier qui remplaçait la Cadette. En arrivant, il trouva celle-ci occupée à déménager ses meubles