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qu’il n’y avait nulle séduction dans son fait, il ne méconnaissait pourtant pas la responsabilité qu’il avait tacitement assumée en cédant à l’amour de Sylvia. Mais la façon de remplir son devoir ne lui apparaissait pas clairement. La vie matérielle assurée, la sollicitude, les soins affectueux, tout cela, sans doute, allait de soi ; mais encore, dans quelles conditions ? L’état de servante partageant le lit de son maître, à l’exemple d’une Madalit, ne lui semblait honorable ni pour l’un ni pour l’autre : ce mélange d’amour et de domesticité lui répugnait. D’autre part, la position de maîtresse avouée, vivant sous le toit patrimonial, vaquant aux choses du ménage, serait toujours ambiguë. Et puis, la grossesse de Sylvia compliquait la question : le sentiment de ce qu’il devait à ce petit être à venir préoccupait le jeune père. Il rejetait l’idée d’une paternité occulte, honteuse d’elle-même, comme indigne de lui et dommageable pour l’enfant. La seule solution nette et franche était aussi la plus honnête : il devait un père légal à ce fils de ses œuvres. Cependant, quoiqu’il n’eût pas de préjugés, Daniel tout d’abord hésitait ou du moins s’interrogeait. Certainement cette belle créature, douce, tendre et dévouée, d’instincts généreux, était, il le reconnaissait avec joie, son égale devant la nature et l’amour. Mais c’était une jeune sauvage ignorante, incapable de vivre de sa vie intellectuelle, à lui, et sans nulle éducation, — comme celle à qui l’on n’avait jamais pu faire entendre que, par forme de respect, il fallait quelquefois dire « vous » à une personne seule.

Néanmoins, à de certaines réflexions qu’elle émettait, à des idées qui lui venaient spontanément, le docteur sentait bien que l’intelligence ne manquait point à cette enfant ignorante. La gracieuse compa-