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se perdait, l’amoureuse s’en alla lentement, tandis que le docteur se dirigeait vers la masure de Gavailles…

En rentrant chez lui, le soir, il vit sur le rebord du vaisselier la gerbe d’amourettes apportée par Sylvia et la scène de l’après-midi se représenta devant ses yeux. Mais il écarta cette image troublante, et, la Grande ayant mis la soupière sur la table, il se lava les mains et s’assit.

Peu après, par une association d’idées qui le retenait vers Chantors, Daniel parla de la fauchaison que bientôt il serait temps de faire aux prés du moulin,

— Il faudra trouver des hommes, dit-il à Mériol, que le foin ne se perde pas comme antan.

— Dimanche, j’en chercherai.


Une douzaine de jours après, revenant d’une longue tournée, Daniel passait à Chantors où deux journaliers engagés par Mériol faisaient les foins. De loin il les aperçut, à l’extrémité de la prairie « bargeant » le fourrage, c’est-à-dire le disposant en piles. Après une journée brûlante, le soleil baissait sur l’horizon et envoyait à la cime des hautes futaies ses derniers rayons. Attendant que les hommes eussent achevé, le docteur débrida la Jasse et se coucha au pied d’une meule, où, presque aussitôt, fatigué de ses courses, il s’endormit.

Lorsqu’il se réveilla, le crépuscule tombait sur la terre, et dans le ciel d’un bleu obscurci s’allumaient les étoiles. À l’ardente chaleur du jour avait succédé une douce tiédeur qu’embaumaient les senteurs des herbes séchées. Dans tout son corps rafraîchi par un bon somme, le docteur éprouvait une sensation de bien-être et de force, et il demeurait immobile à contempler le firmament où s’élevait sans hâte l’étoile du