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lui souriait, il s’arrêta presque involontairement. Les cheveux noirs et crespelés de Sylvia, un peu défaits, flottaient sur son front et s’emmêlaient avec les fleurs de la gerbe qui tremblaient sur leurs tiges grêles au mouvement rythmé de sa poitrine.

— N’est-ce pas qu’elle est jolie, cette petite fleur, maître ?

— Très jolie et gracieuse…

« Comme toi ! » avait-il envie d’ajouter, mais il se retint.

— Je voudrais bien savoir comment elle s’appelle ?

— C’est la Bridza media

— Jamais je ne me souviendrai de ce nom !

— Elle en a un autre : l’amourette.

— Celui-ci, je me le rappellerai, dit-elle en rougissant.

À ce moment, les yeux de Daniel se portèrent sur les traces qu’avait laissées dans le sable blanchâtre de la sente le petit pied cambré de Sylvia. Les orteils, bien détachée, étaient légèrement marqués, tandis que le talon s’enfonçait profondément. Et Daniel se ressouvint de Sakountala, l’héroïne du poème ancien, dont les pieds laissaient sur le sol des empreintes semblables, caractéristiques de certaine beauté charnelle… Et, relevant les yeux, il rencontra ceux de Sylvia qui flambaient. Un ramier roucoulait dans les hautes branches des chênes, et, au loin, une vache en folie meuglait au mâle… Elle était là, tout près de lui, et Daniel voyait ses seins rigides enfler sa chemise de grosse toile. Un flot de sang lui monta au cerveau ; un instant, il fut gagné comme par l’ivresse universelle. Mais soudain il se reprit :

— Va-t’en, Sylvia ! dit-il sourdement.

Alors, détachant à regret ses yeux de ceux où elle