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le docteur fût absent : c’était alors une déception qu’elle dissimulait en disposant au creux d’un vieux pichet, à cet usage destiné, le bouquet formé soigneusement par ses mains.

— C’est pour le maître ! disait-elle.

— Pardi ! Je pense bien que ça n’est pas pour moi ! faisait en riant la Sicarie.

Lorsque Daniel était à la maison, il la remerciait brièvement, quelque peu embarrassé de ces attentions trop significatives. Un jour qu’elle lui offrait une grosse botte de muguet, devant M. Cherrier, venu déjeuner le vendredi, comme il le faisait volontiers, le docteur dit à Sylvia, un peu sèchement :

— Tu te donnes trop de peine pour cueillir toutes ces fleurs.

— Ça n’est point une peine ! répondit-elle avec douceur.

Gênée par la présence de Sicarie et d’autres, même de Jannic qui la mangeait des yeux furtivement, Sylvia préférait rencontrer Daniel sur les chemins et les sentes des bois lorsqu’il allait voir quelque malade. Elle était heureuse de se trouver seule avec lui dans les taillis déserts et elle s’ingéniait à prolonger cette sensation délicieuse. Le docteur ne s’y prêtait guère et passait, le plus souvent, après quelques mots affectueux, mais rapides. Pourtant il ne pouvait pas ne pas être touché de ces obstinées gentillesses, et quelquefois se relâchait de son attitude réservée.

Comme il allait un jour visiter un enfant du braconnier Gavailles, il aperçut devant lui, dans une laie sablonneuse qui traversait une grande futaie, Sylvia chargée d’une gerbe de fleurs. Par hasard, il était à pied, un bâton à la main, et, voyant la belle fille qui