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— Attrapez la queue !

À l’extrémité de la chaussée, Daniel lâcha les crins de la bonne bête qui l’avait guidé sagement. Maintenant ils traversaient de hautes bruyères entremêlées d’ajoncs épineux et de genêts à balais. Après quoi, Mériol prit une sente qui bifurquait et s’engageait dans des châtaigneraies que Daniel reconnut vite : « C’est nos bois des Conteries », se dit-il.

Parfois, tandis qu’ils passaient sous les châtaigniers qui étendaient sur le chemin leurs puissantes ramures, des bogues battues par la pluie, secouées par le vent, tombaient sur la terre détrempée avec un bruit mat, ou bien sur la croupe de la jument, qui tressaillait. Au delà de ces bois sombres, se déployaient les défrichements qui entouraient l’habitation, et bientôt les abois furieux d’un chien de garde éclatèrent en avant. Puis, au bout d’une allée de marronniers à fruit, ils s’arrêtèrent devant un grand mur noir où se voyait une porte charretière coiffée d’un auvent : c’était la maison du Désert.

Dans la cour, une voix rude fit taire le chien et demanda :

— C’est-il vous autres ?

— Oui, répondit Mériol.

Alors, après tout un vacarme de barres enlevées et de ferraillements dans la serrure, la lourde porte munie de clous de défense s’ouvrit et ils entrèrent. Daniel avait à peine franchi le seuil qu’une sorte de géante se précipita sur lui et l’embrassa bien fort, à plusieurs reprises.

— Mon Daniel ! mon petit Daniel ! bredouillait-elle, en l’entraînant vers la maison dont la porte rougeoyait dans l’obscurité.

C’était Sicarie Gamomet, dite « la Grande » à