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pauvre Médéric, sans nulle vocation religieuse, paie pour une faute qu’il n’a point commise… C’est la justice d’ici-bas… et celle d’en haut !… Moi, j’ai tâché d’être plus équitable avec mon frère bâtard : je lui ai donné en toute propriété un domaine venant de l’héritage paternel, et, au surplus, il est chez moi comme chez lui. C’est une si bonne nature qu’il n’en abuse point et me porte respect en tout, comme à l’aîné, au chef de la maison de Fersac… Encore un verre de ce vieux bergerac ! À votre santé, docteur !

— À la vôtre, monsieur !… Mais, pardonnez-moi, je me figure que vous ne vous êtes pas sans peine accoutumé à la vie retirée que vous menez, après les aventures de votre jeunesse.

— Non, cela n’a pas été trop dur ! Je me considère comme un corsaire en retraite. Mon existence est d’ailleurs très supportable : je suis le maître absolu dans ma commune, j’ai de bons chiens, une excellente jument, deux belles filles à mon service, et un bon frère que j’affectionne… Tout cela serait parfait, mais dans cette félicité il y a un ver rongeur…

Et, comme Daniel le regardait avec étonnement, le comte ajouta :

— Oui, votre cousin de Légé… Mais ne parlons pas de lui : cela gâterait cet honorable vin !

La bouteille achevée, Daniel se leva pour partir.

— Il est tard, lui dit M. de Fersac, voulez-vous mes pistolets ?

— Merci… Il n’y a pas de danger, je suppose !…

— Hé !… Mais les médecins ont les quatre pieds blancs !

Après la chaleur brûlante du jour, c’était un plaisir que de voyager à la fraîcheur d’une aimable nuit d’été.