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ignorante et instinctivement méfiante à l’endroit des nouveautés non prouvées par des faits ; mais il espérait déterminer peu à peu un mouvement d’opinion favorable à son système. Il comptait fermement, d’ailleurs, que l’exemple de la Jemaye aiderait bientôt à ce mouvement.

En ces tournées de propagande, le docteur traitait aussi les malades, du moins autant qu’il le pouvait. Dans sa générosité native, il aurait soigné de grand cœur tous les fiévreux de la Double ; mais, à part quelques rares propriétaires aisés, il était obligé de fournir aux gens de bonne volonté le quinquina, qui alors coûtait cher, et il n’était pas riche.

Une autre maladie avait encore sollicité son attention : la variole. En ayant observé beaucoup de cas mortels, il s’efforçait de propager la pratique de la vaccination, à peu près inconnue dans le pays. Mais que de peines pour persuader à des paysannes arriérées de laisser faire à leurs enfants une petite piqûre préservatrice !… C’était comme pour la destruction des étangs : presque personne ne se rendait à ses raisons.

Malgré toutes les difficultés qu’il rencontrait, Daniel ne se décourageait pas et continuait avec une persévérante ardeur son apostolat médical. Toujours par voies et par chemins, il n’était pas mal vu, car ses bonnes intentions et ses bonnes œuvres étaient assez apparentes ; mais toutes ses innovations projetées excitaient l’humeur soupçonneuse des paysans et les critiques des bourgeois. Et puis, le vieux préjugé religieux contre ceux du Désert, un peu affaibli pendant la Révolution, subsistait toujours. Aussi les gens, lorsqu’il passait chevauchant la Jasse, étaient prompts à dire entre eux :