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de brusques soubresauts ; des convulsions tordaient tout son corps, et les pulsations de l’artère, comptées à la vieille montre d’argent de Daniel, étaient plus de cent à la minute.

Le jeune docteur avait épuisé tous les moyens conseillés par la science officielle et ne savait plus que faire. Il commençait à désespérer de cette guérison qu’il avait prise à cœur jusqu’à en oublier tout ce qui lui était personnel. L’inefficacité des remèdes prescrits en tel cas par les sommités médicales lui en faisait chercher d’autres. Quelquefois, dans le pré du moulin, adossé à un peuplier, il regardait à ses pieds couler l’eau claire, et méditait. Cette fièvre d’une extrême intensité, cette chaleur âcre qui brûlaient le corps de l’enfant, ne pouvaient-elles être amorties par des bains froids ? Il lui semblait que cette médication était indiquée. Mais, outre la dérogation à l’enseignement des maîtres, le sentiment de la responsabilité qu’il lui fallait assumer, l’effrayait fort. Le jour, il y pensait ; la nuit, il en rêvait. La question se posait dans son esprit comme un cas de conscience. Avait-il le droit d’essayer de ce moyen à défaut des autres, impuissants ? Pouvait-il légitimement faire cette expérience sur la fillette ?… « Oui ! se répondait-il tout d’abord, oui, puisque c’est dans son intérêt même !… Mais presque aussitôt se dressaient devant lui les objections. Avait-il la certitude absolue que la maladie, abandonnée à son cours naturel, aurait une issue fatale ? D’autre part, était-il sûr que l’application de cette méthode curative n’achèverait pas la petite patiente ?… Ces terribles interrogations que se répétait le jeune médecin le faisaient soupirer, presque gémir. À maintes reprises dans une matinée, dans un après-midi, Daniel examinait Sylvia, espé-