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l’autre jour, à l’étang. Vous êtes catholique, dévote et inébranlablement attachée à la religion que l’on vous a inculquée dès l’enfance. Moi, je suis un mécréant d’origine huguenote, très respectueux des croyances d’autrui, mais non moins invinciblement attaché à ma foi philosophique. Vous ne pouvez pas me dire comme Ruth à Noémi : « Ton Dieu sera mon Dieu ! » C’est pourquoi nos destinées ne peuvent s’unir, car il faut avant et par-dessus tout, entre deux époux dignes de ce nom, une étroite et complète communauté de conscience morale et religieuse.

— Là-dessus, dit Minna en riant, tout mécréant que vous êtes, vous vous accordez avec monsieur l’abbé de Bretout ! Il dit toujours qu’une jeune fille pieuse comme moi ne doit accepter pour époux qu’un homme chrétien et pratiquant.

— Comme son neveu, par exemple !

— Peut-être bien. Son neveu ne manque jamais la messe ni les offices, communie fréquemment et m’offre de l’eau bénite à l’entrée et à la sortie de l’église… Mais, tout de même, Daniel, j’ai grand dépit que vous me refusiez par des raisons qui n’arrêtent personne : c’est bien humiliant pour moi !

Et elle tira son mouchoir afin d’essuyer un semblant de larme au bord de sa paupière.

— Non, ma chère cousine, il n’y a rien là d’humiliant pour vous. Voyez-y plutôt une preuve d’affection sincère et désintéressée.

— Vous avez beau dire : si vous étiez bien amoureux de moi, vous feriez ma volonté comme font les autres messieurs avec celles qu’ils aiment… Mais, j’y pense, si vous m’aviez vue, belle comme j’étais dans ma toilette de bal, vous ne me résisteriez plus ! Vous feriez comme le vicomte de Bretout, qui s’age-