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Son maître parti, Gary alla chercher la Jasse et l’amenait lorsque Minna parut sur le perron et la fit reconduire à l’écurie :

— J’ai à vous parler, monsieur le docteur, dit-elle gravement.

Dès qu’ils furent sous la charmille du Bois-Joli, Minna éclata de rire au nez de son cousin :

— Je savais bien que je vous ferais revenir !

— Enfant !… Et pourquoi m’avez-vous fait revenir ?

— Pour vous donner une bonne nouvelle, répondit-elle en lui prenant le bras. Dorénavant vous pourrez baiser ma main sans crainte : personne ne le saura que vous et moi. J’ai consulté là-dessus mon bon vieux curé : il m’a répondu qu’il n’y avait à cela nul péché, que c’était chose permise entre parents et entre fiancés.

— Entre fiancés ! vous lui avez donc dit que nous l’étions ! Pourtant nous ne le sommes point, Minna…

Il hésita, une seconde, puis ajouta :

— Et nous ne pouvons l’être !

— Pourquoi ? fit-elle, étonnée, vous m’avez laissé voir assez que vous m’aimiez ; vous m’avez même donné une bague ; et, tout à l’heure, vous disiez que j’étais jeune, jolie et riche…

— Il est vrai, ma cousine que je vous aime plus que vous ne pouvez le comprendre ! Mais je ne veux pas faire votre malheur… et le mien. Trop de choses nous séparent. Vous êtes jolie, je ne suis pas beau ; vous êtes riche, je ne le suis pas… Vous êtes naturellement gracieuse ; moi, je suis épais. J’ai des goûts simples, rustiques même ; vous, vous aimez le monde, où vous venez de faire votre entrée… Avouez que vous préférez de beaucoup aux plaisirs champêtres la musique, les salons où vous pincez de la