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se trouva un cul-de-jatte, fabriqué sans doute par mutilation dans le Guipuzcoa, qui sautelait aux abords de la fontaine depuis le commencement de la cérémonie. Et, cyniquement, il leur promit la guérison à toutes les trois par son officieuse et infaillible intervention : elles s’écartèrent ainsi qu’à l’aspect d’un crapaud.

— Sale bête ! fit l’une d’elles en son patois d’Aubeterre.

Cependant Daniel, songeur, considérait le lieu.

— Depuis des milliers d’années, finit-il par dire à M. Cherrier, les femmes bréhaignes des environs viennent là, mues par l’espérance. Le vacerre trempait dans les eaux bienfaisantes le rameau de verveine sacrée au moment où les premiers rayons du soleil les frappaient. Au druidisme proscrit succéda le paganisme gallo-romain qui bâtit en ce lieu un édicule ou cancel grillé, dédié au génie de la fontaine. À la place de ce petit monument, le christianisme vainqueur éleva au bon saint Eutrope une chapelle qu’on a démolie sous la Révolution pour construire la chaussée de l’étang là au-dessous… Eh bien ! à travers toutes ces transformations et tous ces changements de déités subalternes, la même superstition a persistée : successivement, les femmes stériles se sont adressées à la fée celtique, à la nymphe fontinale et à saint Eutrope pour être guéries de leur infécondité. Toutes ces mutations n’ont pu entamer la foi populaire à une mystérieuse puissance locale, susceptible d’être gagnée par des pratiques ingénument symboliques.

— C’est l’ignorance du peuple entretenue par les prêtres de toutes les religions qui a perpétué cette superstition-là ! dit M. Cherrier.