Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Des estropiés étaient là, en nombre, qui avaient mis à nu leurs misères et exhibaient aux yeux des passants des bras desséchés, tordus, rongés par un ulcère ; des genoux ankylosés, des jambes sphacélées ou envahies par le feu Saint-Antoine, autrement dit érysipèle, ou encore gonflées par des tumeurs malignes. En attendant leur tour de tremper dans l’eau curative le membre malade, ces misérables imploraient à grand renfort de clameurs piteuses la charité des bonnes âmes.

En ce moment, des femmes étaient assemblées autour de la fontaine. Il y en avait une douzaine environ, paysannes de la Double et femmes des cantons voisins. Pour la plupart, leur corps malingre, chlorotique, vieilli prématurément par la fièvre, expliquait la stérilité. D’autres, plus rares, accusaient par leur air de santé même un vice de conformation organique. Enfin une dernière, petite boutiquière dans quelque villette voisine, à en juger par son habillement, était d’une monstrueuse obésité.

Toutes ces pauvres affligées formaient le cercle autour du bassin de la fontaine, étalant des deux mains leurs cotillons pour empêcher la vue aux indiscrets. Puis chacune d’elles à son tour s’approchait du bord et, naïvement, accomplissait le rite antique.

Lorsque toutes eurent fait, elles allèrent à la file piquer une épingle dans le bois d’une vieille croix plantée là près, et déposer ensuite leur offrande dans un pot de terre placé à son pied. Après quoi elles se dispersèrent, avec la confiante certitude d’être relevées de leur humiliation, et d’avoir un enfant dans l’année.

Comme elles s’en allaient, devant trois d’entre elles