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bres qui séparent les vallées de l’Ille et de la Drone. Il boit du vin aussi, de la piquette au pis-aller, et mange du pain de froment mélangé de seigle. Pour les autres, ce sont tous paysans de la Double, nourris de mil, de maïs et abreuvés d’eau malsaine. Voyez leur petite taille, leur corps chétif, leurs membres grêles, leur regard morne, leur barbe rare, leurs cheveux ternes ! Pas de doute possible : tous ont eu et auront encore les fièvres. Parmi ceux-ci, deux sont plus sérieusement atteints et ne feront pas de vieux os. Ils ont le foie malade : leur teint jaune, terreux et leur attitude penchée à gauche l’indiquent assez.

Parfois, dans cette foule de paysans rabougris, se dressait un homme de haute stature, aux cheveux blonds, aux yeux bleus, et quelque autre plus svelte, au teint basané, aux cheveux noirs crespelés, au nez finement arqué. Lors, les considérant, le docteur disait à son compagnon :

— Qui sait ? c’est peut-être là une goutte de sang normand et une goutte de sang sarrasin qui, depuis les invasions, reparaissent en affirmant le caractère de la race.

Comme ils regardaient promener sur la lisière du champ de foire un étalon du haras de Biscaye-lez-Échourgnac, que son propriétaire produisait pour le faire connaître, Jannic aborda son maître en levant le bonnet :

— Notre monsieur, Mériol a vendu les moutons, votre consentement réservé.

— Il s’y connaît mieux que moi : dis-lui de faire comme il l’entendra !

Jannic s’en étant retourné vers Mériol, les deux amis furent en curieux à la fontaine miraculeuse de saint Eutrope, qui venait d’être bénite.