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tendue entre deux arbres en manière de râtelier, le notaire et Daniel parcoururent le foirail. Çà et là ils rencontraient des personnes de connaissance, des maires à qui Daniel avait eu affaire, — comme M. du Guat, qui demanda poliment au docteur des nouvelles de son projet d’assainissement, — et l’adjoint-sourcier d’Échourgnac. Puis M. Cherrier, apercevant une de ses pratiques, lui remit une expédition de contrat tirée de ses poches, qu’on voyait bourrées de papiers comme toujours. Ils trouvèrent là encore des propriétaires du pays : M. Carol, qui témoigna quelque froideur, M. Servenière, grand complimenteur ou « flacassier ». Le curé de la Jemaye était là aussi, surveillant ses métayers de Vauxains qui avaient amené des bœufs, ainsi que M. de Fersac, qui cherchait un cheval de cinquante écus, un « fusil » pour faire les corvées et ménager sa bonne jument.

— La petite est guérie, maintenant, dit-il au docteur en lui donnant une poignée de main ; tout le jour, elle chante comme une fauvette !

— Tant mieux, tant mieux ! J’en suis bien aise.

En passant au milieu des bœufs et des vaches accouplés au joug, et derrière les rangées de chevaux à vendre marqués d’un bouchon de paille à la queue, le docteur faisait remarquer à M. Cherrier la diversité des types humains. Il lui montrait un groupe de gens faisant un marché, vendeur, acheteur, accordeurs, et les badauds alentour.

Voyez disait-il cet homme grand, large d’épaules, rouge de teint, vigoureux : c’est un Charentais qui boit du vin, même de l’eau-de-vie, et habite un pays « santeux », comme on dit. Celui-là, moins grand, brun, sec, aduste, à l’œil vif, qui veut lui vendre ses bœufs, est un Périgordin des plateaux calcaires salu-