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pulmonique, — était cuite, et, sur des fourches de bois plantées en terre, des chapelets de poulets ou de pièces de viande en broche tournaient, mus à la main. À proximité de chaque cuisine, de longues tables de planches brutes, établies sur des piquets et abritées par des tentes, étaient déjà garnies d’affamés. Sur des chantiers improvisés avec des troncs d’arbres, des barriques étaient en perce, qui versaient le petit vin reginglet de la Double. Des filles coiffées de mouchoirs à carreaux, en bas bleus, au cotillon troussé court, portant de lourdes soupières fumantes, des plats de chairs bouillies ou rôties, s’empressaient, affairées, autour des tables, ne sachant à qui entendre avec ces dîneurs pressés qui heurtaient du poing ou du bâton sur les planches, ou tintaient du couteau sur les gobelets. Sous ces arbres géants, les cuisines aux brasiers énormes, aux ustensiles démesurés, la fumée des viandes rôties, les barriques où s’emplissaient les dames-jeannes, tout cela donnait l’idée de quelque festin gargantuesque.

Parfois, dominant le brouhaha des conversations et le cliquetis des fourchettes, une voix de femme irritée s’élevait, que suivait le bruit d’un soufflet retentissant, réponse d’une servante à quelque brutal échauffé par le vin.

Du vaste champ de foire voisin, ombragé par des châtaigniers aux puissantes ramures, montait une rumeur assourdissante d’arche de Noé : hennissements de chevaux, braiments d’ânes incontinents, bêlements de brebis, sourds mugissements de bêtes aumailles, cris aigus des cochons et des coches sous le coutelet du châtreur béarnais en béret bleu, qui opérait dans un coin, à l’écart.

Après avoir fait attacher leurs bêtes à une corde