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qu’en face, à l’extrémité d’un promontoire, un héron, debout sur une patte immobile, attentif, guettait une proie.

Daniel regardait tout cela et songeait. Ce héron pêcheur lui rappela soudain la plume qui parait le mignon toquet de Minna.

Quoique jamais ses pensées d’amour ne se fussent rigoureusement précisées, traduites en espérances, il sentait avec peine que dans l’avenir quelque chose le séparait de sa cousine. L’éducation religieuse de la jeune fille barrait le chemin à ses rêves qu’il n’avait encore jamais faits. Il reconnaissait que, dût-elle renoncer, un temps, à quelques pratiques dévotes pour lui complaire, elle était bien trop légère et futile pour se débarrasser vraiment des idées inculquées dès le premier âge par une mère et une tante bigotes, incrustées dans son cerveau par un usage constant. Il entrevoyait ce divorce spirituel et moral qui ruine tant de familles, entre l’homme affranchi des religions révélées et la femme soumise à la direction toute puissante du prêtre… Alors la plainte amère et pittoresque de M. Cherrier lui revint en mémoire, et, s’en retournant au Désert, il se disait à lui-même : « Jamais ! »