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trousse, perça quelques pustules qui n’avaient pas crevé ; ayant fait, il tira de sa poche une boîte de cérat et en passa légèrement sur les croûtes formées, en recommandant à la femme de l’imiter à quelques heures d’intervalle. Puis, voyant que l’évolution de la maladie était normale, il se fit verser de l’eau sur les mains, en dehors du seuil, et s’en fut.

Comme il longeait l’étang pour rentrer au Désert par un autre chemin, Daniel s’arrêta sur un petit « tuquet », ou monticule, d’où la vue embrassait l’ensemble irrégulier de cette grande nappe d’eau. Tantôt elle était creusée en baies arrondies, au fond desquelles des ruisseaux élargissaient leur estuaire, ou bien elle se découpait en criques parfois allongées dans une dépression de terrain, comme les « fjords » de Norvège.

À la surface agitée par le vent doux du printemps, le soleil faisait briller en facettes innombrables des vagues menues qui venaient mourir sur la grève vaseuse, dans des fouillis de plantes où surtout abondaient les glaïeuls, le plantain d’eau et le jonc des chaisiers. En quelques endroits, des taillis épais venaient jusqu’au bord et réfléchissaient dans ce miroir les teintes vert tendre de leurs feuilles naissantes. À droite, quelques pins énormes se dressaient droits et sagement alignés comme la colonnade d’un temple grec ; et, au fond, tout au fond, submergeant la lande plate, l’eau semblait se confondre avec le ciel qu’elle reflétait. Dans une anse marécageuse, des vanneaux en troupe cherchaient leur manger parmi les chanvres d’eau, les aches, ou persil de marais, et d’autres herbes aquatiques. Vers le milieu de l’étang, autour d’un atterrissement qui formait un îlot couvert de roseaux, des canards sauvages barbotaient, tandis