Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chargées de chatons velus, qui penchaient sur la sente, ou abattait dans la bordure un grappillon de baies d’yèble oubliées par les merles.

Comme toujours depuis quelque temps, le jeune docteur réfléchissait au silence persistant de sa cousine et en cherchait la signification. Il y avait maintenant tout près de cinq mois qu’elle était partie, et, quelque illusion qu’il eût souhaité de se faire, il ne pouvait se dissimuler qu’un tel silence n’était point accidentel, mais voulu. Aussi à l’inquiétude jalouse qu’il avait d’abord éprouvée avait succédé une irritation sourde qu’entretenaient ses raisonnements. Nul doute que, si elle en avait eu le ferme propos, Minna pouvait lui témoigner qu’elle ne l’avait pas oublié, ne fût-ce que par l’envoi peu compromettant de quelques paquets de quinquina : tous les quinze jours à peu près, Gary allait à Ribérac porter des provisions avec un mulet ; quoi de plus facile ?… Mais cette idée généreuse qui lui était venue sous la charmille du Bois-Joli, Daniel la jugeait étouffée par la futilité de pensées nouvelles nées au contact de la société qui florissait dans la petite ville. Quant à cette bonté de cœur, à cette chaleur de sentiments charitables, que lui avait vantée le curé de la Jemaye, il n’y croyait plus : il lui semblait évident que Minna en s’associant à son œuvre d’humanité, avait cédé à une émotion toute superficielle, causée par les paroles de pitié qu’il avait prononcées au cours du repas ; mais cette émotion était depuis longtemps finie. De tout cela il ne subsistait rien, non plus que des sentiments de sympathie un peu tendre qu’elle lui avait permis d’entrevoir.

Et, un sourire amer sur les lèvres, Daniel concluait que mademoiselle Charbonnière (de Légé), sa cou-