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léger bruit, et, levant la tête, il vit dans l’enchevêtrement de la charpente une famille d’effraies rangées sur une poutre : le père, la mère et quatre jeunes, qui le regardaient de leurs yeux ronds, étonnés.

« Ne craignez rien de moi, petits amis ! pensa-t-il. Mais gardez-vous bien de l’homme, stupide et féroce, qui en récompense de vos précieux services, vous clouerait sans pitié à la porte de sa grange ! »

Un moment, il songea, indigné, à l’inepte cruauté des populations qui exterminent les oisillons destructeurs d’insectes nuisibles, et font une guerre sans pitié aux rapaces nocturnes, ennemis des rongeurs malfaisants.

« Allez, pauvres imbéciles, continuez !… Et, lorsque les chenilles et les rats des champs dévoreront vos récoltes, gesticulez vers les nuages, lamentez-vous, faites des prières et demandez des exorcismes pour les bannir !… »

Puis, un peu apaisé par cette objurgation mentale, Daniel reporta ses regards sur le paysage qui s’étendait devant lui.

Un immense linceul enveloppait la Double. Les terres, les prés, les landes, les friches, semblaient nivelés. Plus trace de chemins ; dans les bois, les sentes avaient disparu. Par endroits, les hautes falaises érigeaient leurs masses sombres sur la blancheur de la campagne déserte. Les vieux châtaigniers dressaient vers le ciel gris leurs maîtresses branches habillées de neige, semblables à des squelettes blanchis. Comme de grandes taches éparses dans le pays, les étangs étalaient leurs eaux noires au milieu des neiges environnantes. Çà et là, de rares hameaux montraient sous leurs tuilées pures les murs sales de leurs misérables demeures. Au loin, des maisons disséminées,