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défunt père, tu as horreur de voir souffrir autour de toi, bêtes ou gens !… C’est dommage que tu ne sois pas riche comme ton cousin de Légé !

Et Daniel de sourire…

Ainsi tombée sur le sol glacé, la neige tenait bien et empêchait toute communication de la maison bloquée avec les environs. Par les trous de la haie, les lièvres venaient au gagnage dans le jardin et broutaient quelque plante à moitié gelée. Dans les terres jouxtant le Désert, les sangliers, ne pouvant plus muloter dans les labours ni vermiller dans les prés durcis, fouillaient la neige du groin et dévoraient les feuilles des raves. La nuit, parfois, un loup affamé, sorti de son liteau, venait rôder autour de l’habitation et, sentant les brebis à l’étable, poussait des hurlements prolongés auxquels répondaient les aboiements furieux de César. Pour les hôtes des vieux logis bien clos, la vie extérieure était suspendue : hommes et bêtes, à l’abri, espéraient patiemment le dégel.

Au bout de quelques jours, fatigué de cette réclusion, Daniel prit un bâton et sortit, emmenant le chien. Sous ses pas, la couche blanche cristallisée par le gel se tassait en bruissant et ralentissait sa marche. En passant près du petit cimetière enseveli sous la neige que le vent avait amoncelée, le jeune homme donna un pieux souvenir aux siens endormis là, puis poursuivit son chemin au hasard. Fréquemment il remarquait les traces de bêtes de rapine, — renards, blaireaux, fouines, belettes, — chassées de leurs tanières par la faim. Plus loin, tout à coup, au sortir d’un bois, il vit devant lui se profiler la tour du signal, sombre sur la colline blanche, et l’idée lui vint de contempler d’en haut le paysage hivernal.

Arrivé péniblement au sommet, il entendit un