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vin blanc, le notaire s’en alla. Il emportait dans un bissac une couple de canards sauvages tués par Mériol.


Bien avisé avait été M. Cherrier de rentrer chez lui : la neige tomba sans discontinuer pendant deux jours, en sorte que dès le lendemain elle avait deux pieds d’épaisseur.

Dans la maison, chacun s’occupait à sa manière. Mériol, au fond du « canton » de la cheminée, où brûlaient d’énormes « cosses » ou souches, son briquet couché en rond entre ses jambes, faisait de ces traîneaux de bois en forme d’arête de poissons auxquels les braconniers de la Double attachent les collets pour le lièvre. En face de lui, Jannic, la chatte à ses côtés, fabriquait des pièges à taupes. Cependant la Grande, sa quenouille au flanc, filait en se promenant par la cuisine.

Enfermé dans sa chambre, Daniel s’était remis au travail et faisait crier sa plume sur le papier. De temps à autre, Sicarie, quittant sa quenouille, entrait sans bruit, apportait une bûche, raccoutrait le feu et s’en allait. Quelque envie qu’elle en eût, elle ne disait rien, pour ne pas déranger son « petit ». Mais, en passant derrière le fauteuil, elle lui posait avec précaution une main sur l’épaule comme pour lui dire : « Si tu as besoin de moi, je suis là. » Et elle était heureuse quand Daniel l’interpellait :

— Ma Grande, apporte-moi une poignée de graines : il faut que tout le monde vive !

Et, après qu’elle était revenue, empressée, il ouvrait la fenêtre et dans la cour jetait du millet aux petits oiseaux affamés, ce qui faisait dire à la bonne femme :

— Ah ! tu n’es point bâtard, non ! Comme ton