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C’est la manière de les donner et puis les paroles qui font tout.

Enfin, vivement pressé par Daniel, il consentit à se laisser guérir. Mais il fallut lui promettre, sous la foi du serment, de n’en parler à personne, ni au Désert ni ailleurs.

— Vous comprenez, disait-il naïvement, si ça se savait, je perdrais toutes mes pratiques !

Les pratiques de Gondet ne le payaient pas en deniers : il allait par le pays, entrait dans les maisons, à l’heure des repas de préférence, ordonnait ses prétendus remèdes lorsqu’il y avait des fiévreux, et percevait aussitôt ses honoraires sous la forme d’une écuellée de soupe, de « miques » de blé d’Espagne, ou encore de bouillie de millet. S’il se trouvait anuité au loin, le médecin des fièvres couchait dans les fenils des granges, et, ainsi faisant, il courait la Double et passait des trois ou quatre jours hors de chez lui. Il visitait aussi quelquefois des logis hospitaliers où l’on n’usait pas de ses remèdes, comme le Désert, et ne se faisait pas trop prier pour s’attabler au moment du dîner. Lorsque le temps trop mauvais lui défendait de sortir, il vivait de châtaignes ramassées dans les bois, de raves arrachées dans quelque champ, de grains de maïs grillés devant les tisons…

« Singulier homme ! » se disait le docteur en s’en retournant, après lui avoir donné du quinquina et fait les recommandations nécessaires.

Et, en effet, Gondet aurait pu avoir une existence meilleure chez un de ses fils qui possédait un bien devers Siorac ; mais il n’avait jamais voulu abandonner la Double ni sa misérable cabane isolée dans les bois, loin de toute habitation.

Ailleurs il n’eût pas été le médecin des fièvres,