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briquets lui faisait de la peine, et il sortait de la cuisine lorsque la Grande saignait un poulet.

Tout en arpentant les chemins et les bois, Daniel rêvait à sa cousine et il eût bien voulu savoir ce qu’elle faisait là-bas, à Ribérac ; quelle était sa vie, quelles étaient ses occupations journalières. Combien il eût été heureux de rencontrer quelqu’un venant de la voir, avec qui il aurait pu parler d’elle ! Cependant, au cours des pensées auxquelles il se complaisait, surgissait parfois le doute. Songeait-elle à lui, seulement ? Les sentiments qu’il avait cru deviner en elle étaient-ils autre chose qu’une amitié un peu tendre autorisée par la parenté ? Et puis, sans que rien se précisât dans son esprit, il sentait obscurément que beaucoup de choses les séparaient.

Alors il dissipait ses préoccupations amoureuses par un effort de volonté et reportait ses réflexions sur son travail. Il méditait en marchant sur la signification des faits recueillis par lui, les coordonnait et les reliait à son argumentation et aux conséquences qu’il en tirait. Mais, malgré ses efforts, au milieu d’un raisonnement, d’un rapport saisi entre deux faits d’ordre différent, souvent lui apparaissait la charmante figure de cette Minna au silence un peu énigmatique. Ainsi absorbé par ses cogitations opposées, il vaguait sans but certain et se retrouvait souvent loin du logis. C’est ainsi qu’entraîné, un jour, par ses rêveries ambulatoires, il se réveilla soudain en reconnaissant devant lui la misérable demeure de Gondet, « le médecin des fièvres » : il se souvint que depuis quelque temps il n’avait pas vu le bonhomme, qui pourtant piquait volontiers l’assiette au Désert.

Sur la lisière des bois, à l’orée d’une lande, au milieu d’un petit défrichement d’environ deux jour-