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la tête renversée sur le dossier du fauteuil, les yeux attachés au portrait de la belle dame du temps de Louis XIII, il semblait l’interroger. Si le mot ne venait point à son gré, ou la phrase, il plantait dans l’écritoire la plume d’oie dont tout à l’heure il se caressait la joue, allait à la fenêtre et, de là, regardait vaguement, à travers les vitres embuées par places, un roitelet ou un rouge-gorge furetant parmi les fagotières de la basse-cour. Quelquefois Jannic tracassait dans le fond, portant une fourchée de bruyère pour faire la paillade aux bêtes, ou brouettant du bois fendu à la cuisine. Pour Mériol, son maître, ne l’apercevait que rarement : par ce temps de morte-saison, il chassait en forêt ou bien, au moment des passages, était blotti dans une hutte au bord de l’étang des Oulmes, à l’affût des canards.

Après avoir considéré ce tableau rustique et promené ses yeux de-ci de-là, de César qui flânait en liberté, dans la cour, aux poules groupées contre un mur afin de s’abriter contre le vent du Nord, le docteur se remettait à l’ouvrage. Lorsqu’il était las, il prenait un bâton et s’en allait au hasard, faisant craquer la glace dans les ornières des chemins, ou bien traversait des brandes encore poudrées de givre, d’où parfois s’envolait bruyamment sous ses pieds une compagnie de perdrix effarouchées. Mais la vue du gibier ne l’induisait point à emporter un fusil dans ses courses : il ne chassait plus depuis que, peu d’années auparavant, il avait vu achever à coups de crosse une chevrette blessée, prise par les chiens. C’était une bonne âme, ce jeune docteur : il avait horreur des pratiques barbares des chasseurs qui enfoncent dans la tête d’une perdrix démontée une plume tirée de l’aile ; le cri du lièvre sous la dent des