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— Mon cher monsieur, sans révéler les secrets de la confession, je peux vous dire qu’en général nos paysans ne valent pas bien cher. Ce n’est peut-être pas tout à fait leur faute, mais n’importe. Pour ce qui est de Fréjou, c’est un des plus durs et des plus fermés à tout sentiment, je ne dis pas généreux, mais simplement humain : donc ce que vous me dites ne m’étonne pas. L’intérêt seul, et un intérêt souvent mal entendu, le guide exclusivement : voilà l’homme.

— Je vais tâcher fit Daniel de gagner sa confiance en guérissant sa petite des fièvres.

— Je doute fort que vous réussissiez !

— Dans tous les cas, ce sera une bonne chose pour l’enfant, et je ne puis mieux employer le quinquina de ma cousine.

— Ah ! elle vous en a envoyé ! Je la reconnais bien là : toujours prête à faire le bien… Et puis si pieuse, si exacte à remplir tous ses devoirs religieux !

Cette dernière attestation ne plut guère à Daniel, sans qu’il sût trop pourquoi. Pour rompre les chiens, il proposa au curé de l’accompagner chez Fréjou : sa présence aurait peut-être une heureuse influence sur l’homme ?…

— Notre-Seigneur lui-même n’y ferait rien lorsqu’il s’agit d’une question d’intérêt dit le curé en riant, mais allons !

En effet, le paysan, à peine quitte d’un accès de fièvre, opposa aux raisonnements de Daniel et aux exhortations du curé une sorte d’idiote inertie. Comme le docteur lui montrait d’avance le desséchement de son étang, le revenu, triplé qu’il en retirerait s’il le mettait en pré, l’avantage inestimable de n’avoir plus