Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et, laissant là son interlocuteur un peu déferré, Daniel se retira…

« La plus forte résistance viendra des gros propriétaires comme celui-ci et aussi des absentéistes », se disait-il en cheminant. Il le voyait nettement, ceux qui se préservaient du fléau, ou qui n’y étaient pas exposés, se désintéressaient de la destinée des malheureux attachés à cette terre maudite, sur lesquels il sévissait impitoyablement. Cet égoïsme lui donnait une triste idée de la valeur morale des possesseurs du sol et semblait justifier l’attitude des paysans à leur égard, tant critiquée par M. du Guat. Néanmoins il espérait qu’à force de prêcher les gens en toute occasion, de répandre ses idées infatigablement, il amènerait les récalcitrants à s’humaniser, il les convaincrait enfin que leur intérêt bien entendu commandait de détruire ces foyers d’infection. Que tel ou tel, des meilleurs, donnât l’exemple, et, avec le temps, les plus entêtés mêmes céderaient à la persuasion, qu’aiderait par ses menaces la loi de 1792.

Mais, pour hâter l’heureux moment où il n’y aurait plus qu’un petit nombre d’adversaires à réduire, il était nécessaire de prouver à tous, propriétaires gros et petits, métayers, journaliers et autres Jacques-sans-terre, il était nécessaire de leur démontrer par les faits que les étangs étaient la cause réelle de l’insalubrité du pays. Daniel, à cette fin, eût bien converti en prairie son grand étang des Oulmes. Malheureusement, cet exemple n’eût pas été suffisamment démonstratif : isolé entre des bois et des landes, l’étang des Oulmes était loin de toute habitation. Celui de la Jemaye, à proximité immédiate du bourg, serait au contraire un champ d’expériences excellent et bien en vue. Si, comme le docteur n’en doutait