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puis M. de Fersac découvrit une soupière où fumait une soupe à l’oignon congrument poivrée et servit le docteur en s’excusant de le faire manger dans l’étain : l’argenterie était loin, oui !… La soupe fut suivie d’un poulet en fricassée apporté par une belle fille blonde aux yeux gris, au nez légèrement retroussé, coiffée à la bordelaise d’un foulard bleu qui enveloppait son gros chignon.

— Madalit, tu vas aller à la cave chercher trois bouteilles de vin de Puy-Charmant, lui dit M. de Fersac.

— Elle a une bonne mine, votre cuisinière ! remarqua Daniel lorsqu’elle fut sortie.

— Ce n’est pas ma cuisinière, mais ma chambrière, répondit tranquillement le châtelain.

Puis, après quelques rasades de vieux bergerac versées généreusement par le curé, M. de Fersac parla de sa jeunesse, du glorieux temps où il chouannait en basse Bretagne et en Périgord. Il raconta avec aisance les divers enlèvements de fonds du trésor public auxquels il avait pris part, dans le Bergeracois, à La Pouyade, entre Brantôme et Nontron, et dans la Forêt-Barade à plusieurs reprises.

— Heureusement, vous n’étiez pas à la dernière attaque de la Forêt-Barade ! s’écria le docteur.

— En effet… une entorse en fut cause, et me sauva la vie ! Parmi les quatre têtes qui tombèrent, à Périgueux, sur la place de la Clautre, le 23 mars 1811, il y avait celles de deux de mes bons amis, avec qui j’avais fait sans méchef plusieurs expéditions de ce genre. Mais la Fortune est femelle… et puis, dans toute guerre il y a des morts… À votre santé !

Ce disant, il tendait son verre.

— Oui, c’était le bon temps alors ! reprit-il. Main-