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Daniel descendu de cheval, l’autre se présenta :

— Gaspard de Fersac, comte, comme tout gentilhomme aujourd’hui, ex… beaucoup de choses, et présentement maire de Saint-Michel en Double.

Et le comte introduisit Daniel dans sa gentilhommière, fort délabrée à l’intérieur comme à l’extérieur, ainsi qu’en témoignaient un corridor en partie décarrelé et une grande chambre en mauvais état, où ils entrèrent.

— Voici le sujet, comme vous dites ! fit M. de Fersac en tirant les rideaux d’un vaste lit à l’ange, où était couchée une très jeune fille à la figure pâle, émaciée, dont les cheveux noirs s’épandaient sur l’oreiller.

Ayant examiné, puis interrogé la malade, le docteur dit à M. de Fersac, lorsqu’ils furent sortis :

— Cette jeune fille est anémique. Il faut lui refaire du sang, lui donner de forts bouillons, des consommés, des blancs de poulet, du jus de viande, des côtelettes… Vous avez de bon vin vieux ?

— Oui : du bergerac et du vin de dessert de Montbazillac.

— Très bien ! Il faudra mettre dans le montbazillac de la poudre de quinquina… je vais vous écrire une ordonnance… et lui faire boire un petit verre de vin avant chaque repas… À sa figure et à son accent, je vois que c’est une étrangère.

— Oui. C’est une fille de Bohème qu’il y a quinze ou dix-huit mois je ramassai, un soir, entre Mussidan et Neuvic.

— C’est cela : elle a la nostalgie des grandes routes, le grand air lui manque… Elle s’était égarée ?

— Pas du tout ! Elle suivait sa tribu d’un peu loin et vint vers moi qui passais, pour me demander un