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leur galant, et tous deux se serrent, s’amitonnent, et, en arrière des vieux, s’embrassent malgré le froid. Ceux-là ne se plaignent pas de la longueur du chemin, ni des amas de neige chassée par le vent où l’on entre jusqu’à mi-jambe. Arrivés à la paroisse, chacun secoue ses sabots contre une pierre, puis entre dans l’église illuminée, et se signe avec de l’eau bénite dès le seuil. Dans une chapelle latérale une modeste crèche de mousse et de branches de pin à l’odeur résineuse, offre à la piété idolâtrique des bonnes gens de campagne, un petit Jésus peint, que tous vont contempler curieusement, à la lueur amortie par la verdure sombre, d’une lampe suspendue qui représente l’étoile des rois Mages.

C’est l’hiver, c’est le temps des veillées. Autour de l’âtre rustique les gens se réunissent chez un voisin aisé qui ne regarde pas trop à l’huile et à quelques morceaux de bois. Le « calel » suspendu au manteau de la cheminée éclaire faiblement la cuisine et accroche un rayon perdu à quelque bassine de cuivre posée sur une planche, tandis que derrière la taque de la cheminée, le grillon chante sa chanson joyeuse. Une vieille a porté sa quenouille, d’autres font leur chausse. Les veilleurs aident ceux de l’ « oustal », à peler les châtaignes qu’ils jettent à mesure dans une grande « oulle », pour le déjeuner du lendemain. En arrière du cercle où la lueur fumeuse et vacillante se joue sur les rudes figures encore brunes du soleil estival, un homme à cheval sur une maie, égrène le blé d’Espagne en râclant les épis dorés contre une longue queue de poële.