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disparu ; plus rien qu’une grande étendue blanche entre les horizons, où se dressent comme des îlots sombres de rares boqueteaux de pins, et où fument çà et là les villages et les maisons écartées. Ils contemplent un instant cette nature qui porte le deuil de l’année, en blanc, comme les ci-devant reines de France ; puis pensent bientôt à prendre des oiseaux au piège et à faire des boules de neige.

C’est l’hiver, c’est le froid noir. Le paysan qui a de l’engin fabrique des paniers, des cages de bois, des attelles pour les bœufs, des pièges à taupes, des manches de pioche et des fléaux à battre le blé. Avec ce temps, le braconnier suit le lièvre à la trace, et le soir, avec un falot et une palette, il va dans les bois chasser les oiseaux à « l’allumade ».

C’est l’hiver, c’est l’époque du solstice, de la naissance des antiques dieux solaires : Agni, Mithra, Osiris, Bacchus et autres. Dans l’empire romain on portait l’image du dieu nouveau-né aux cris de : Évohé Bacchus ! Annouel ! ou Noël ! De même faisaient les prêtres d’Isis. L’ « Invincible » Mithra avait aussi sa fête le jour du « Soleil nouveau » qui correspondait au vingt-cinq décembre. C’est parce que ce jour était universellement célébré que les chrétiens y placèrent l’époque de la naissance du Christ.

C’est l’hiver, c’est la nuit. À travers la campagne scintillent, comme feux follets, les falots des gens qui vont à la messe de minuit. On s’appelle d’une maison à l’autre, et en passant dans les villages on huche les amis. Les filles, une cape sur la tête, ou un grand fichu grossier, sont escortées de