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NIVÔSE

L’hiver n’est pas bâtard
S’il ne vient tôt il vient tard.


Sous un immense linceul blanc la terre est ensevelie. Les blés couverts par la neige sont abrités de la gelée comme par une épaisse couche d’ouate. Les prés étendent entre les haies un tapis régulièrement nivelé. Dans les bruyères et les brandes, la neige s’amasse sur les touffes d’ajoncs épineux et, dans les bois, fait ressembler les vieux châtaigniers aux formes tourmentées, à de grands squelettes blanchis.

La maison est bloquée. Dès le matin l’homme a pris sa pelle et fait un sentier pour aller à la grange donner aux bestiaux. Les poules surprises s’abritent sous une charrette et s’épouillent. Au coin de l’âtre où fume et chante le bois vert coupé dans les taillis et charrié sur l’échine par les mauvais chemins, les gens sont assis, de loisir. Nul bruit prochain. Dans l’étable tiède, les bœufs pensifs reposent, sur la « paillade » et ruminent. Dans le ciel couleur de plomb, une bande de corbeaux passe en croassant ; et au loin, une détonation sourde rappelle aux soldats de l’hiver de 1870, les coups de fusil des avant-postes.

Aussitôt debout, la mère dit aux enfants : il a neigé ! Ha ! et vite ils se lèvent et contemplent cet aspect nouveau d’un paysage familier. Les divisions des terres et les diversités de cultures ont