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Voilà le plus commun type du braconnier du Périgord : chétif propriétaire, métayer, bordier, ouvrier rural : travailleur de terre ou artisan par métier, chasseur par passion. Quelquefois il a un méchant labri coupé de briquet qui jappe sur la voie du lièvre ; mais le plus souvent il va seul. Il ne chasse guère la perdrix, parce que c’est trop dangereux ; mais des fois, au clair de lune, il passe la moitié de la nuit à l’affût.

C’est ce paysan fruste en qui subsiste encore vivace, l’instinct de la proie hérité des habitants des cavernes préhistoriques ; c’est ce brave homme adroit et rusé, que les chasseurs patentés, jaloux et envieux, maudissent et dénoncent aux gendarmes comme « braconnier ». Et avec quel sot dédain ils prononcent ce mot !

On n’a pas idée des imaginations saugrenues qui hantent à ce sujet les cervelles de certains hobereaux et bourgeois imbéciles. Il faut entendre ces choses-là le soir, au café de ces messieurs, ou les lire dans quelques journaux spéciaux. Il n’est pas d’invention absurde et inapplicable qui ne se produise comme infaillible pour la répression du braconnage. La disparition du gibier, fait de civilisation et de progrès agricole qui ira toujours croissant, affole ces échauffés qui réclament des mesures draconiennes pour le protéger ; assimilation du braconnage au vol, grosses amendes et longue prison pour les chasseurs sans permis ; interdiction du port du fusil, visites domiciliaires pour la recherche du gibier, et autres gentillesses.

On trouve même de braves gens qui voudraient ressusciter les anciens privilèges terriens, en inter-