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FRIMAIRE

La bise aigre souffle et fait frissonner avec un bruit crépitant les feuilles rousses des chênes, qui persistent jusqu’au printemps. De fleurs, il n’y en a plus, fors dans quelque clairière de bois pierreux, l’hellébore noir ou Rose de Noël. Le temps est gris, la terre gelée, les herbes mortes. Les brindilles, les branchettes, sont enveloppées d’une poussière de petits cristaux brillants ; et les pommiers, à la tête ronde, semblent, sous le givre, des marquis de l’ancien régime poudrés à frimas. Les oiseaux quittent les bois et la campagne solitaire pour les enclos, les jardins et les vergers. Pinsons, mésanges, chardonnerets, rouges-gorges, se réfugient autour des habitations ; et le roitelet vient fureter dans les trous de murailles et les fagottières des cours. Les merles ne trouvant plus de sorbes blettes, ni d’alises à l’arbre, viennent picorer sur les haies, les prunelles de buisson, les baies de sureau, et les mûres oubliées par les droles du village.

Quelquefois, de la crête d’un côteau, le chasseur entend un bruit léger et continu comme celui d’une eau qui coule sur le sable. Lors, jetant les yeux au fond du vallon, il voit une colonne profonde et serrée d’étourneaux au plumage sombre, qui émigrent vers d’autres climats, et passent, passent pendant des heures, avec un monotone bruissement d’ailes d’oiseaux innumérables.